L’utilisation du pavillon polonais pour le trafic de stupéfiants

De plus en plus de narcotrafiquants ont recours à l’enregistrement de navire en Pologne pour leurs activités. Pour eux, le pavillon polonais est une opportunité de réaliser facilement leurs opérations de contrebande, notamment en Atlantique – entre l’Amérique du Sud et l’Europe, en limitant au maximum le risque de se faire contrôler.

Comment cela fonctionne-t-il ? Y a t-il un risque pour le plaisancier honnête qui souhaiterait opter pour le pavillon polonais ? L’équipe de Bateau-immatriculation.com vous explique

Un pavillon de navigation de plus en plus plébiscité

Depuis 2020 et la mise en place par l’État polonais d’un nouveau système d'immatriculation des navires de plaisance d’une longueur de coque allant jusqu’à 24 mètres, le nombre d’enregistrements de bateaux sous pavillon polonais a explosé. Le nombre de navires enregistrés en Pologne est ainsi passé d’environ 2 000 à près de 80 000 en seulement 4 ans.

Le nouveau système d’enregistrement proposé par l’administration maritime polonaise plaît aux propriétaires venant de multiples régions du monde : selon les autorités, plus d’un tiers des propriétaires de bateaux sous pavillon polonais auraient indiqué un lieu de résidence en dehors du pays.

Une hausse du trafic de drogues sous le pavillon polonais

Mais le pavillon polonais n’est pas seulement plebiscité par les navigateurs souhaitant s’adonner aux activités de plaisance :

En parallèle de la mise en place de ce nouveau système d'enregistrement, les saisies de bateaux battant pavillon polonais et transportant des stupéfiants ont elles aussi augmenté.

Selon le Centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants – aussi connu sous le nom anglais Maritime Analysis and Operations Centre ou MAOC-N, le nombre de bateaux sous pavillon polonais impliqués dans les opérations de contrebande de drogues telles que la cocaïne, le cannabis ou la MDMA – ecstasy – croît de manière significative, en particulier sur la route allant de l’Amérique du Sud à l’Europe.

 

Depuis 2021, le nombre de bateaux de moins de 24 mètres de longueur soupçonnés de transporter des cargaisons illicites et battant pavillon polonais n’a cessé de croître : de 12 navires surveillés par le centre en 2021, les chiffres sont passés à 31 en 2022 puis à 47 pour l’année 2023. Après d’autres pavillons, c’est donc au tour du pavillon polonais d’être favorisé pour le transport de cargaisons illicites sur de petits navires par les narcotrafiquants.

 

Ces derniers mois, plusieurs des suspicions du MAOC-N se sont révélées être justifiées :

  • Le 3 février 2024, au large du Cap-Vert, la marine espagnole interceptait un sloop de 19 mètres de long sous pavillon polonais, chargé de 157 kg de cocaïne. Le voilier en provenance de l’Amérique du Sud faisait route vers les îles espagnoles des Canaries.

 

  • Dans la zone maritime des Antilles aussi, les autorités ont procédé à plusieurs saisies. Début mai 2024 notamment, deux navires de la Marine Nationale française, le Ventose et la Résolue, ont lutté contre le narcotrafic en confisquant 2,4 tonnes de cocaïne en mer. Un voilier naviguant à environ 500 milles nautiques de la Martinique, battant pavillon polonais, transportait à lui seul la cargaison impressionnante de 1237 kg de cocaïne. Entre janvier et mai 2024, les forces armées sur cette zone ont saisi pas moins de 10,8 tonnes de stupéfiants.

  • Fin mai 2024, c’est encore plus de 400 kg de cocaïne qui étaient interceptés à bord du voilier Le Dahu, dans le Golfe de Gascogne. Le navire avait été repéré par la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) aux Caraïbes, puis suivi jusqu’à l’est de l’Atlantique. Après avoir essayé de mettre le feu pour se débarrasser des stupéfiants à bord, les contrevenants ont été pris en charge par l’équipage du patrouilleur des douanes français Kermorvan, et la cargaison a été saisie. Encore une fois, cette opération était prévue sous pavillon polonais. 

Le choix du pavillon polonais pour le narcotrafic

Les trafiquants de drogues et stupéfiants ne choisissent pas leur pavillon de navigation par hasard. En effet, le pavillon polonais offre plusieurs avantages non-négligeables :

Un enregistrement de navire facile pour les contrevenants

Pour enregistrer les navires à voile et à moteur de moins de 24 mètres, l’administration polonaise a imaginé une procédure parmi les plus simples à réaliser.

Pour ceux qui font le pari de se livrer à des activités de trafic de stupéfiants, c’est une aubaine : l’enregistrement bateau en Pologne ne demande pas de justificatif particulier si ce n’est un passeport en cours de validité, de n’importe quelle nationalité. En créant une société propriétaire du bateau, les contrevenants peuvent aussi facilement masquer leur identité et ne pas « laisser de trace » lors des procédures d’enregistrement.

Le pavillon obtenu est valable à vie et dans le monde entier, sans avoir besoin d’être renouvelé.

Un pavillon de navigation obtenu très rapidement

Autre avantage pour ceux qui souhaitent participer à la contrebande de drogues par voie maritime : le pavillon polonais s’obtient presque sans délai.

L’administration maritime polonaise fournit dans la majorité des cas une attestation de pavillon provisoire en moins d’une semaine, et une immatriculation permanente en à peine un mois.

Des démarches d’immatriculation peu coûteuses

L’enregistrement d’un navire sous pavillon polonais est aussi une des démarches d’immatriculation les moins chères proposées aux plaisanciers. Pour les propriétaires de navires de moins de 24 mètres, les frais de dossier et de mise en circulation sont minimes, comparés à ceux proposés par d’autres pays.

Un vide juridique servant l’immunité des trafiquants

Jusqu’à l’augmentation des saisies à bord des navires polonais, battre le pavillon d'un État membre de l’Union européenne en Atlantique permettaient déjà aux passeurs de stupéfiants de ne pas attirer trop l’attention.

Ensuite, dans un article du Financial Times daté de septembre 2024, Julien Garsany – représentant de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) à Bruxelles – expliquait que l’enregistrement polonais d’un navire confère une certaine immunité. En effet, en raison d’un vide juridique, les trafiquants de drogues à bord d’un navire sous pavillon polonais ne peuvent pas être contrôlés en mer.

Le Bureau central d'enquête de la police polonaise, chargé des autorisations d'arraisonnement des navires, est en fait en attente de l’entrée en vigueur d’un amendement pour pouvoir délivrer les documents. Pour le moment, en utilisant ce pavillon de navigation pour leur trafic illicite, les passeurs évitent donc les contrôles par les autorités de tous les autres pays.

L’autorisation de la Pologne, nécessaire en cas d’intervention

En 2022, la justice a condamné les autorités portugaises après la fouille d’un navire battant pavillon polonais au large des Açores. L’opération réalisée sans l’autorisation de l’État polonais a été considérée comme illégale, même si elle a permis la saisie de plus d’une tonne de cocaïne transportée par l’équipage néerlandais. Dans le cas du voilier Le Dahu auquel nous faisions référence plus haut, ce n’est qu’avec l’accord des autorités polonaises que le navire a pu être contrôlé par les autorités douanières françaises. Sans cela, l’équipage du patrouilleur des douanes n’aurait pu intervenir, malgré l’article 17 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

Pour les plaisanciers honnêtes, y a-t-il un risque à choisir le pavillon polonais ?

Certains bateaux saisis avec des cargaisons illicites sont enregistrés en Pologne. Mais, heureusement, les équipages de la majorité des bateaux sous pavillon polonais n’ont rien à se reprocher !

Compte tenu de la situation actuelle, si vous êtes un bon plaisancier et que vous envisagez d’adopter le pavillon polonais, il convient de bien étudier votre situation :

  • Si vous souhaitez naviguer dans certaines des régions concernées par le trafic de stupéfiants, comme les Caraïbes, il se peut que vous soyez un peu voire régulièrement contrôlé : pour votre tranquillité d’esprit, le pavillon polonais n’est peut-être pas la meilleure option.
  • Dans d’autres régions, comme la mer Méditerranée, naviguer sous pavillon polonais ne pose pas de problème particulier dans la majorité des cas.

De l’avis de l’équipe de Bateau-immatriculation.com, le trafic de drogues sous pavillon polonais ne devrait pas décourager les plaisanciers bien intentionnés d’enregistrer leur navire en Pologne : selon la situation, le pavillon polonais peut en effet offrir de réels avantages aux propriétaires.

Gardons en tête que le choix d’un pavillon de navigation doit toujours être mûrement réfléchi, notamment en prenant en compte les projets du propriétaire et les navigations envisagées, mais aussi sa situation fiscale et celle du navire, sans parler des aspects de conformité qui peuvent remettre en question certains projets.

Notre équipe se tient à votre disposition pour vous aider à choisir le pavillon de navigation adapté.